Analysis of La Vache au taureau

Maurice Rollinat 1846 (Châteauroux) – 1903 (Ivry-sur-Seine)



À l’aube, à l’heure exquise où l’âme du sureau
Baise au bord des marais la tristesse du saule,
Jeanne, pieds et bras nus, l’aiguillon sur l’épaule,
Conduit par le chemin sa génisse au taureau.

Compagnonnage errant de placides femelles,
Plantureuses Vénus de l’animalité,
Qui, dans un nonchaloir plein de bonne santé,
S’en vont à pas égaux comme deux sœurs jumelles.

Si le pis est pesant, les seins sont aussi lourds,
L’une a les cheveux drus, l’autre les crins opaques,
Et leurs yeux sont pareils à ces petites flaques
Où la lune projette un rayon de velours.

Aussi, rocs et buissons, les chênes et les chaumes
Semblent leur dire, émus de cette humble union,
Qu’en ce jour c’est la fête et la communion
Des formes, des clartés, des bruits et des arômes.

Un seul point les sépare, et ce point-là, c’est tout :
Séduite un beau matin par le Serpent fait homme,
Aux rameaux du Plaisir, Jeanne a cueilli la pomme,
Tandis que la génisse est vierge de partout.

Ses cornes aux bouts noirs, arquant leurs fines pointes,
Parent son doux visage ; et d’un air ingénu,
Toute neuve, elle apporte à son mâle inconnu
Ses lèvres de pucelle hermétiquement jointes.

Elles s’en vont ainsi le long des églantiers
Où l’Aurore a pleuré son déluge de perles,
Et le vol des piverts, des margots et des merles
Les effleure et les suit par dessus les sentiers.

Bientôt, sur leur trajet, la brise encore moite
Embaume son murmure et chauffe son soupir ;
Le lièvre, à travers champs, flâne et vient s’accroupir,
Et le ciel resourit à l’eau qui remiroite.

La vache, en mal d’amour, brame, le cou tendu,
Ou flaire les gazons, sans danger qu’elle y morde ;
Et la fille, en chantant, la mène par la corde,
Ivre et sereine au fond de ce pays perdu.

Soudain par la venelle où marquent les fers d’âne
Et jonchée au milieu de crotte de mouton,
On vient à sa rencontre, et vite, Jeanneton
Reconnaît le beau gars pour qui son cœur se damne.

Ils sont rendus. Voici le troupeau des canards
Qui plongeonne et s’ébat sur l’étang couleur d’huile,
Le coq sur son fumier, le pigeon sur sa tuile,
Et les deux chiens grognons, roux comme des renards.

Tous les fermiers sont là dans la cour du domaine,
Depuis l’aïeul joufflu jusqu’au pâtre chafouin ;
L’un d’eux fixe aux barreaux d’une voiture à foin
La taure qui mugit, s’effare et se démène.

On fait cercle, on s’installe autour du chariot,
Et bientôt le taurin s’avance d’un pas ferme,
Laissant choir de la morve et goutteler du germe,
Trapu, la tête courte et le pied maigriot.

Il vient ; sa longue queue, âpre et bien emmanchée,
Sur les cuisses, les flancs, et jusque sur les reins
Agite en se tordant son panache de crins
Où claquent des grumeaux de bouse desséchée.

Front bourru, mal corné, les yeux sanglants et fous,
Il bouffe devant lui comme un soufflet de forge ;
Et le fanon ridé qui croule de sa gorge
Flotte massivement et lui bat les genoux.

De sa langue râpeuse, énorme et violette,
Il fouille ses naseaux alternativement,
Et par un guttural et rauque beuglement
Il aborde d’un trait la vache qui halète.

Alors, ces animaux tremblants et tout émus,
Comme pour se conter les ruts qui les harassent,
Se hument longuement, se pourlèchent, s’embrassent,
Corne à corne, et joignant leurs gros museaux camus.

Graves et solennels près de cette voiture,
Ils ont l’air de comprendre, avec le libre instinct,
Qu’ils vont se donner là, sous l’œil blanc du Matin,
Le grand baiser d’Amour qui peuple la Nature.

Enfin, quand il a mis son mufle au bon endroit,
Le Brun, aux rayons frais du soleil qui se dore,
Renifle dans le vent la senteur qu’il adore
Et s’apprête, indécis, boiteux et maladroit.

Il marche à reculons, il tournoie, il oblique ;
Puis, ayant consulté sa récente vigueur,
Darde son nerf pointu dans toute sa longueur,
Et s’enlève puissant, fauve et mélancolique.

Mais, déséquilibré sitôt qu’il est debout,
Il use, à tâtonner, son ardeur qui succombe :
Il se hisse et fléchit, il regrimpe et retombe ;
Et pourtant, le taureau n’est pas encore à bout.

En vain les quolibets pleuvent du petit groupe :
Il se recueille en lui pour un nouvel assaut,
Il reflaire, il relèche, il se dresse en sursaut,
Et voilà qu’il reprend la vache par la croupe.

Ah bravo ! cette fois, la saillie a porté !
Certe, il n’est pas besoin que le veau recommence :
Il a, d’un jet suprême, engouffré sa semence
Jusque dans le fin fond de la maternité !

Et tandis que la vache, absolument inerte ;
Cuve un


Scheme ABBA CDDC CCCC CEEC DFFD CXEC CCCC DAAD DDDD GXEE CBBC XEEG DFXD GCCG CHHC DDDD CDDC ADEA DAAD IAAI DFFD JDDJ DCCD DE
Poetic Form
Metre 11111111 111111111 111111111 10010111111 110111 11111 11111111 111111111 10101111111 101111111 11111111 111111011 1111111111 1111111010 111111111010 11111111111 111111111111 11111101011 111110111 1111101111 111111111 10111011111 11111101 11111111 11110111 110111111 1011111111 111111111 111111111 1111111 01110111111 1011111 1111011011 1111110111 11111111111 111111111 1111111111 11110111110 1111111 110111111111 11110111 1111111111 01111010111 111111111 11111111101 11111111 11111111 1111111111 1111111100 111011111 1101111111 111111011 1111111111 1111111111 111110111 111111111 111111111 1111011111 101111111 11110111 111111101 11111 111100111 111111111 1111111 111111111 1111111 111111110 11111111 1111110110 111101111111 0110111110 1110111111 01111101111 110111101 111111101 11111101 11011111 11111111 11111111 1111111011 111101111 1111111111 11011111 111111101 11111011101 1111111111 111111111 110111101 111111011 101111111 11011111 1111111 11
Closest metre Iambic heptameter
Characters 4,487
Words 769
Sentences 27
Stanzas 24
Stanza Lengths 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 2
Lines Amount 94
Letters per line (avg) 35
Words per line (avg) 8
Letters per stanza (avg) 139
Words per stanza (avg) 33
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 05, 2023

3:50 min read
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    "La Vache au taureau" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 29 Apr. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/27662/la-vache-au-taureau>.

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