Analysis of Bièvre

Victor Marie Hugo 1802 (Besançon) – 1885 (Paris)



A Mademoiselle Louise B.

Un horizon fait à souhait pour le plaisir des yeux. Fénelon

Oui, c'est bien le vallon ! le vallon calme et sombre !
Ici l'été plus frais s'épanouit à l'ombre.
Ici durent longtemps les fleurs qui durent peu.
Ici l'âme contemple, écoute, adore, aspire,
Et prend pitié du monde, étroit et fol empire
Où l'homme tous les jours fait moins de place à Dieu !

Une rivière au fond ; des bois sur les deux pentes.
Là, des ormeaux, brodés de cent vignes grimpantes ;
Des prés, où le faucheur brunit son bras nerveux ;
Là, des saules pensifs qui pleurent sur la rive,
Et, comme une baigneuse indolente et naïve,
Laissent tremper dans l'eau le bout de leurs cheveux.

Là-bas, un gué bruyant dans des eaux poissonneuses
Qui montrent aux passants lés jambes des faneuses ;
Des carrés de blé d'or ; des étangs au flot clair ;
Dans l'ombre, un mur de craie et des toits noirs de suie ;
Les ocres des ravins, déchirés par la pluie ;
Et l'aqueduc au loin qui semble un pont de l'air.

Et, pour couronnement à ces collines vertes,
Les profondeurs du ciel toutes grandes ouvertes,
Le ciel, bleu pavillon par Dieu même construit,
Qui, le jour, emplissant de plis d'azur l'espace,
Semble un dais suspendu sur le soleil qui passe,
Et dont on ne peut voir les clous d'or que la nuit !

Oui, c'est un de ces lieux où notre coeur sent vivre
Quelque chose des cieux qui flotte et qui l'enivre ;
Un de ces lieux qu'enfant j'aimais et je rêvais,
Dont la beauté sereine, inépuisable, intime,
Verse à l'âme un oubli sérieux et sublime
De tout ce que la terre et l'homme ont de mauvais !

Si dès l'aube on suit les lisières
Du bois, abri des jeunes faons,
Par l'âpre chemin dont les pierres
Offensent les mains des enfants,
A l'heure où le soleil s'élève,
Où l'arbre sent monter la sève,
La vallée est comme un beau rêve.
La brume écarte son rideau.
Partout la nature s'éveille ;
La fleur s'ouvre, rose et vermeille ;
La brise y suspend une abeille,
La rosée une goutte d'eau !

Et dans ce charmant paysage
Où l'esprit flotte, où l'oeil s'enfuit,
Le buisson, l'oiseau de passage,
L'herbe qui tremble et qui reluit,
Le vieil arbre que l'âge ploie,
Le donjon qu'un moulin coudoie,
Le ruisseau de moire et de soie,
Le champ où dorment les aïeux,
Ce qu'on voit pleurer ou sourire,
Ce qui chante et ce qui soupire,
Ce qui parle et ce qui respire,
Tout fait un bruit harmonieux !

Et si le soir, après mille errantes pensées,
De sentiers en sentiers en marchant dispersées,
Du haut de la colline on descend vers ce toit
Qui vous a tout le jour, dans votre rêverie,
Fait regarder en bas, au fond de la prairie,
Comme une belle fleur qu'on voit ;

Et si vous êtes là, vous dont la main de flamme
Fait parler au clavier la langue de votre âme ;
Si c'est un des moments, doux et mystérieux,
Ou la musique, esprit d'extase et de délire
Dont les ailes de feu font le bruit d'une lyre,
Réverbère en vos chants la splendeur de vos yeux ;

Si les petits enfants, qui vous cherchent sans cesse,
Mêlent leur joyeux rire au chant qui vous oppresse ;
Si votre noble père à leurs jeux turbulents
Sourit, en écoutant votre hymne commencée,
Lui, le sage et l'heureux, dont la jeune pensée
Se couronne de cheveux blancs ;

Alors, à cette voix qui remue et pénètre,
Sous ce ciel étoilé qui luit à la fenêtre,
On croit à la famille, au repos, au bonheur ;
Le coeur se fond en joie, en amour, en prière ;
On sent venir des pleurs au bord de sa paupière ;
On lève au ciel les mains en s'écriant : Seigneur !

Et l'on ne songe plus, tant notre âme saisie
Se perd dans la nature et dans la poésie,
Que tout prés, par les bois et les ravins caché,
Derrière le ruban de ces collines bleues,
A quatre de ces pas que nous nommons des lieues,
Le géant Paris est couché !

On ne s'informe plus si la ville fatale,
Du monde en fusion ardente capitale,
Ouvre et ferme à tel jour ses cratères fumants ;
Et de quel air les rois, à l'instant où nous sommes,
Regardent bouillonner dans ce Vésuve d'hommes
La lave des événements !


Scheme A X BBXBBC DDDXAD DDBDEB DDCDDC BBDFFD DDDDAAACEEEC GCGCECDDBBBD DDCBAC FADBBD DDDAAD BBBBBB DAHDDH EEDDDD
Poetic Form
Metre 0001011 10101110111110 1110101111 11111111 11111111 111110101 11111111100 11111111111 11111111111 111111111 1111011111 111111111 11111111 11011101111 111111111 111111111 11111111111 111111111111 1111111111 11111111111 111111 1111111 011111111 10111111 1111100111 111111111111 111111110111 111111111 11111111111 1111011 1111111101 1111110111111 11111111101 111111 1111111 11111 011001111 11110111 1110111111 111101 111011 111111 1110111 1111111 11111 11011111 011110 1110111 0111111 0111011 0111111 0111101 1111111 1111111 1111111 11111 1101111111 111111011 11111101111 1101011111 1111111110 1111111 11111111111 1101111111 1111101111 11101111110 1111110111 11111111111 111111111 1111111111 111011111 11011111 10011111111 11111 111111111 111111111 11111111 01111111111 11111111111 11111111111 11111111011 11111011111 11111111111 11011111 0111111111 01110011 11111111 1111011 111111111 111111110111 11111111 11111
Closest metre Iambic hexameter
Characters 4,063
Words 724
Sentences 20
Stanzas 15
Stanza Lengths 1, 1, 6, 6, 6, 6, 6, 12, 12, 6, 6, 6, 6, 6, 6
Lines Amount 92
Letters per line (avg) 32
Words per line (avg) 8
Letters per stanza (avg) 197
Words per stanza (avg) 50
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on April 15, 2023

3:51 min read
52

Victor Marie Hugo

Victor Marie Hugo was a French poet, novelist, and dramatist of the Romantic movement. He is considered one of the greatest and best known French writers. In France, Hugo's literary fame comes first from his poetry but also rests upon his novels and his dramatic achievements. Among many volumes of poetry, Les Contemplations and La Légende des siècles stand particularly high in critical esteem. Outside France, his best-known works are the novels Les Misérables, 1862, and Notre-Dame de Paris, 1831. Though a committed royalist when he was young, Hugo's views changed as the decades passed; he became a passionate supporter of republicanism, and his work touches upon most of the political and social issues and artistic trends of his time. He was buried in the Panthéon. more…

All Victor Marie Hugo poems | Victor Marie Hugo Books

2 fans

Discuss this Victor Marie Hugo poem analysis with the community:

0 Comments

    Citation

    Use the citation below to add this poem analysis to your bibliography:

    Style:MLAChicagoAPA

    "Bièvre" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 4 May 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/37637/bi%C3%A8vre>.

    Become a member!

    Join our community of poets and poetry lovers to share your work and offer feedback and encouragement to writers all over the world!

    May 2024

    Poetry Contest

    Join our monthly contest for an opportunity to win cash prizes and attain global acclaim for your talent.
    27
    days
    3
    hours
    49
    minutes

    Special Program

    Earn Rewards!

    Unlock exciting rewards such as a free mug and free contest pass by commenting on fellow members' poems today!

    Browse Poetry.com

    Quiz

    Are you a poetry master?

    »
    Who wrote this? 'Look on my Works, ye Mightyand despair!'
    A P. B. Shelley
    B William Wordsworth
    C William Shakespeare
    D S.T. Coleridge