Analysis of A celle qui est restée en France

Victor Marie Hugo 1802 (Besançon) – 1885 (Paris)



I
Mets-toi sur ton séant, lève tes yeux, dérange
Ce drap glacé qui fait des plis sur ton front d'ange,
Ouvre tes mains, et prends ce livre : il est à toi.

Ce livre où vit mon âme, espoir, deuil, rêve, effroi,
Ce livre qui contient le spectre de ma vie,
Mes angoisses, mon aube, hélas ! de pleurs suivie,
L'ombre et son ouragan, la rose et son pistil,
Ce livre azuré, triste, orageux, d'où sort-il ?
D'où sort le blême éclair qui déchire la brume ?
Depuis quatre ans, j'habite un tourbillon d'écume ;
Ce livre en a jailli. Dieu dictait, j'écrivais ;
Car je suis paille au vent. Va ! dit l'esprit. Je vais.
Et, quand j'eus terminé ces pages, quand ce livre
Se mit à palpiter, à respirer, à vivre,
Une église des champs, que le lierre verdit,
Dont la tour sonne l'heure à mon néant, m'a dit :
Ton cantique est fini ; donne-le-moi, poëte.
- Je le réclame, a dit la forêt inquiète ;
Et le doux pré fleuri m'a dit : - Donne-le-moi.
La mer, en le voyant frémir, m'a dit : - Pourquoi
Ne pas me le jeter, puisque c'est une voile !
- C'est à moi qu'appartient cet hymne, a dit l'étoile.
- Donne-le-nous, songeur, ont crié les grands vents.
Et les oiseaux m'ont dit : - Vas-tu pas aux vivants
Offrir ce livre, éclos si loin de leurs querelles ?
Laisse-nous l'emporter dans nos nids sur nos ailes ! -
Mais le vent n'aura point mon livre, ô cieux profonds !
Ni la sauvage mer, livrée aux noirs typhons,
Ouvrant et refermant ses flots, âpres embûches ;
Ni la verte forêt qu'emplit un bruit de ruches ;
Ni l'église où le temps fait tourner son compas ;
Le pré ne l'aura pas, l'astre ne l'aura pas,
L'oiseau ne l'aura pas, qu'il soit aigle ou colombe,
Les nids ne l'auront pas ; je le donne à la tombe.

Autrefois, quand septembre en larmes revenait,
Je partais, je quittais tout ce qui me connaît,
Je m'évadais ; Paris s'effaçait ; rien, personne !
J'allais, je n'étais plus qu'une ombre qui frissonne,
Je fuyais, seul, sans voir, sans penser, sans parler,
Sachant bien que j'irais où je devais aller ;
Hélas ! je n'aurais pu même dire : Je souffre !
Et, comme subissant l'attraction d'un gouffre,
Que le chemin fût beau, pluvieux, froid, mauvais,
J'ignorais, je marchais devant moi, j'arrivais.
Ô souvenirs ! ô forme horrible des collines !
Et, pendant que la mère et la soeur, orphelines,
Pleuraient dans la maison, je cherchais le lieu noir
Avec l'avidité morne du désespoir ;
Puis j'allais au champ triste à côté de l'église ;
Tête nue, à pas lents, les cheveux dans la bise,
L'oeil aux cieux, j'approchais ; l'accablement soutient ;
Les arbres murmuraient : C'est le père qui vient !
Les ronces écartaient leurs branches desséchées ;
Je marchais à travers les humbles croix penchées,
Disant je ne sais quels doux et funèbres mots ;
Et je m'agenouillais au milieu des rameaux
Sur la pierre qu'on voit blanche dans la verdure.
Pourquoi donc dormais-tu d'une façon si dure
Que tu n'entendais pas lorsque je t'appelais ?

Et les pêcheurs passaient en traînant leurs filets,
Et disaient : Qu'est-ce donc que cet homme qui songe ?
Et le jour, et le soir, et l'ombre qui s'allonge,
Et Vénus, qui pour moi jadis étincela,
Tout avait disparu que j'étais encor là.
J'étais là, suppliant celui qui nous exauce ;
J'adorais, je laissais tomber sur cette fosse,
Hélas ! où j'avais vu s'évanouir mes cieux,
Tout mon coeur goutte à goutte en pleurs silencieux ;
J'effeuillais de la sauge et de la clématite ;
Je me la rappelais quand elle était petite,
Quand elle m'apportait des lys et des jasmins,
Ou quand elle prenait ma plume dans ses mains,
Gaie, et riant d'avoir de l'encre à ses doigts roses ;
Je respirais les fleurs sur cette cendre écloses,
Je fixais mon regard sur ces froids gazons verts,
Et par moments, ô Dieu, je voyais, à travers
La pierre du tombeau, comme une lueur d'âme !

Oui, jadis, quand cette heure en deuil qui me réclame
Tintait dans le ciel triste et dans mon coeur saignant,
Rien ne me retenait, et j'allais ; maintenant,
Hélas !... - Ô fleuve ! ô bois ! vallons dont je fus l'hôte,
Elle sait, n'est-ce pas ? que ce n'est pas ma faute
Si, depuis ces quatre ans, pauvre coeur sans flambeau,
Je ne suis pas allé prier sur son tombeau !

Ainsi, ce noir chemin que je faisais, ce marbre
Que je contemplais, pâle, adossé contre un arbre,
Ce tombeau sur lequel mes pieds pouvaient marcher,
La nuit, que je voyais lentement approcher,
Ces ifs, ce crépuscule avec ce cimetière,
Ces sanglots, qui du moins tombaient sur cette pierre,
Ô mon Dieu, tout cela, c'


Scheme ABBC DAXEXFFGGDDCCCCFHEEGGGGGGGGGGFF CCIIDDDDGGGGDDGGCCGGGGDDG GBBEXGGGGCCGGGGGGF FCCCCFF DDDDDDH
Poetic Form
Metre 1 111111111111 111111111111 11111111011 11111111111 1111010111 111111111 1111111110 111111111 111011111111 11111111 111011111 1111111110111 1111110111 1111111 11111011 11111111101 11011010111 10110111111 101111101101 11101111011 1110101111 111110111 101111111 1111111111 111111111 111111111 10111011111 1110111111 11111111 1111111111 11110111110 0111101111101 11110111111010 1111110111 111111 1111111111 111101111 10111111111 1111111110 111111110 1111111111 1111010111 101111111 111111 01110011 11011111111 1111011011 111111 110111111111 1111111111 111111 111101111 111110111 1110110111 1111111111 11110111 11011111111 111111111 1111111 11111111101 111011111111 1011011111 11111111 11111111 11111111 1111111 111111111 11111111 111111111 111111101 11111111 111111111 1111111110 111111110 1110111111 111011110 1011111111 11111111111 1101111111 111111011 11111111111 111011111101111 111111111 1111110111 111111111 111101111 111111110 1111111 111111111 1111111101 111101
Closest metre Iambic heptameter
Characters 4,500
Words 765
Sentences 37
Stanzas 6
Stanza Lengths 4, 31, 25, 18, 7, 7
Lines Amount 92
Letters per line (avg) 35
Words per line (avg) 9
Letters per stanza (avg) 543
Words per stanza (avg) 136
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on April 13, 2023

4:10 min read
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Victor Marie Hugo

Victor Marie Hugo was a French poet, novelist, and dramatist of the Romantic movement. He is considered one of the greatest and best known French writers. In France, Hugo's literary fame comes first from his poetry but also rests upon his novels and his dramatic achievements. Among many volumes of poetry, Les Contemplations and La Légende des siècles stand particularly high in critical esteem. Outside France, his best-known works are the novels Les Misérables, 1862, and Notre-Dame de Paris, 1831. Though a committed royalist when he was young, Hugo's views changed as the decades passed; he became a passionate supporter of republicanism, and his work touches upon most of the political and social issues and artistic trends of his time. He was buried in the Panthéon. more…

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    "A celle qui est restée en France" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 30 Apr. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/37559/a-celle-qui-est-rest%C3%A9e-en-france>.

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