Analysis of Les Serpents

Maurice Rollinat 1846 (Châteauroux) – 1903 (Ivry-sur-Seine)



Auprès d’une rivière où des broussailles trempent,
Dans des chemins perdus, monticuleux et roux,
On les voit se traîner aux abords de leurs trous,
Onduleux chapelets de vertèbres qui rampent.

Oh, le serpent ! Le si fantastique animal
Qui surgit brusquement des feuilles ou des pierres
Et qui laisse couler de ses yeux sans paupières
La lueur magnétique et féroce du mal !

Car il a des regards aussi froids que des lames,
Qui tiennent en arrêt les moins épouvantés ;
Car il pompe l’oiseau de ses yeux aimantés
Et fait mourir de peur les crapauds et les femmes.

Hideux comme la Mort et beau comme Satan
Dont il est le mystique et ténébreux emblème,
Son apparition rend toujours l’homme blême :
C’est le fantôme auquel jamais on ne s’attend.

Et tandis que suant le crime et le mystère,
Tout un perfide essaim du monde végétal
Recèle inertement plus d’un venin fatal,
Il est le charrieur des poisons de la terre.

Le talus, le fossé, l’ornière, le buisson
Brillent de sa couleur étincelante et sourde ;
Et la couleuvre agile et la vipère lourde
Allument dans la brande un tortueux frisson.

Il en est dont la peau, comme dans les féeries,
Surprend l’œil ébloui par de tels chatoîments
Qu’on dirait, à les voir allongés et dormants,
Des rubans d’acier bleu lamés de pierreries.

Complices de la ronce et des cailloux coupants,
Ils habitent les prés, les taillis et les berges ;
Et l’on voit dans l’horreur des grandes forêts vierges ;
Maints troncs d’arbres rugueux cravatés de serpents.

Là, non loin du python qui fait sa gymnastique,
Le boa, par un ciel rutilant et soufré,
Digère à demi mort quelque buffle engouffré
Dans l’abîme visqueux de son corps élastique.

En hiver le serpent s’encave dans les rocs ;
Il va s’ensevelir au creux pourri de l’arbre,
Ou roule en bracelet son pauvre corps de marbre
Sous les tas de fumier que piétinent les coqs.

Mais après les frimas, la neige et les bruines,
Il gagne les ravins et le bord des torrents ;
Il remonte le dos écumeux des courants
Et grimpe, ainsi qu’un lierre, aux vieux murs en ruines.

Comme un convalescent par les midis bénins,
Parfois il se hasarde et rôde à l’aventure,
Impatient de voir s’embraser la nature
Pour mieux inoculer ses terribles venins.

Alors du fouillis d’herbe au monceau de rocailles,
Bougeur sobre et muet, sournois et cauteleux,
Il rampe avec lenteur et s’arrête frileux
Sous le soleil cuisant qui fourbit ses écailles.

Solitaire engourdi qu’endort l’air étouffant,
Il écoute passer la brise insaisissable ;
Et les crépitements d’insectes sur le sable
Bercent son sommeil long comme un sommeil d’enfant.

Réveillé, le voilà comme une ombre furtive
Qui se dresse en dardant ses crochets à demi,
Et qui, devant la proie ou devant l’ennemi,
Siffle comme la bise et la locomotive.

Mais il aime le sol et la lumière ; il est
Le frôleur attendri des menthes et des roses ;
Sa colère se fond dans la douceur des choses,
Et cet empoisonneur est un buveur de lait.

Aussi l’infortuné reptile mélomane
Qui se tord sous le poids de sa damnation
M’inspire moins d’effroi que de compassion :
J’aime ce réprouvé d’où le vertige émane.

Et quand j’erre en scrutant le mystère de l’eau
Qui frissonne et qui luit dans la pénombre terne,
J’imagine souvent au fond d’une caverne
Les torpides amours du Cobra-Capello.


Scheme ABBA CBXX BDDB EFFA GXCX XAAE BBBB BHBI JGGJ BGGB BIBB BKKB BBBB ACCA LFFL AHBA EEEX CEEX
Poetic Form Quatrain  (78%)
Metre 111111111 11101111 11111111111 1111111 1010011100 11111111 1111111111 111111111 11010111111 111111111 1111011111 1111111111 111111110 1101001111111 101011111 101111111 1111011011 111111111 10111110 101011101110 01011101 1111111 1111011111 1111111 110111111111 1111111101 11111111 11111111 11111111 11111111110 11111111111 111111110 1111101111 010111111 11101111 11111111 110101111 11111111 1111011111 1111111111 1111111111 11011101110 1101111 1111111111 1101011111 1111111010 010111110 111111 11111111 1111111 11111111 100111111 011111 1110111 111111010 11111111 110111110 111111110 11111111 111111010 111011111101 0111111110 1111111111 111011111 111011 11110111010 11111010 101111011 1111101111 1111111111 111111 111110010
Closest metre Iambic heptameter
Characters 3,342
Words 557
Sentences 20
Stanzas 18
Stanza Lengths 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4
Lines Amount 72
Letters per line (avg) 35
Words per line (avg) 8
Letters per stanza (avg) 140
Words per stanza (avg) 32
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 05, 2023

2:47 min read
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Maurice Rollinat

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    "Les Serpents" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 29 Apr. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/27903/les-serpents>.

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