Analysis of Le Soliloque de Troppman
Maurice Rollinat 1846 (Châteauroux) – 1903 (Ivry-sur-Seine)
Enfin débarrassé du père
Et du grand fils, — vœux triomphants !
J’allais donc en certain repaire
Tuer la mère et les enfants !
Je fus les attendre à la gare,
Dans la nuit froide, sans manteau ;
J’avais à la bouche un cigare
Et dans ma poche un long couteau.
Tout entier au plan du massacre,
Si pesé dès qu’il fut éclos,
Je m’étais muni d’un grand fiacre
D’une couleur sombre et bien clos.
Sur les coussins, calme, sans fièvre,
Je me vautrais comme un Sultan ;
Je devais avoir sur la lèvre
Le froid sourire de Satan !
Je sais que plein de convoitise
Je ricanais, tout en songeant
Que pour huit morts, — une bêtise ! —
J’allais avoir beaucoup d’argent.
Je pensais : « Destin ! tu me pousses
« Au forfait le plus inouï ;
« Mais, puisque j’ai d’ignobles pouces
« Et pas de cœur, je réponds : Oui !
« Le train du Nord me les apporte.
« Et moi, l’homme aux projets hideux,
« Mystérieux comme un cloporte,
« Je me voiture au-devant d’eux :
« Pour les saigner comme des bêtes,
« Pour les pétrir, les étrangler,
« Pour fendre et bossuer leurs têtes,
« Sans qu’ils aient le temps de beugler ! »
J’arrivai : la gare était pleine
De bruit et de monde. — À minuit,
Je pourrais combler dans la plaine
Un grand trou bâillant à la nuit !
Je lorgnais des filles charnues,
Froidement, comme un gentleman,
Lorsque soudain des voix connues
S’écrièrent : « Voilà Troppmann ! »
Et tous, la mère et la marmaille
Me couvrirent de baisers gras !
C’était fait ! Ma dernière maille
Se nouait enfin dans leurs bras !
Nous roulions ! Pour que mes victimes
Eussent foi dans ma loyauté,
J’abritais mes pensers intimes
Derrière ma loquacité.
Les tout petits dormaient candides
Sur mes genoux, dur matelas.
Je frôlais de mes doigts sordides
Le manche de mon coutelas.
Bercés par de féeriques songes,
Ils dormaient ; et moi, le damné,
Je rassurais par des mensonges
La femme de l’empoisonné.
Lutterait-elle, cette sainte ?
Je l’épiai sournoisement :
— Quelle chance ! Elle était enceinte !
J’eus un joyeux tressaillement.
« Je la tuerai, quoi qu’elle fasse,
Sans trop d’efforts bien essoufflants,
D’un coup de couteau dans la face
Et d’un coup de pied dans les flancs ! »
Puis, mes rêves gaîment féroces
M’emportaient sur les paquebots !
Et le cocher fouettait ses rosses
Qui trottinaient à pleins sabots.
La banlieue avait clos ses bouges.
Vers Paris tout au loin brillaient
Des milliers de petits points rouges,
Et parfois les chiens aboyaient.
Les usines abandonnées
Dressaient lugubrement dans l’air
Leurs gigantesques cheminées
Toutes noires sous le ciel clair.
De sa lueur de nacre et d’ambre,
Comme un prodigieux fanal,
La froide lune de septembre
Illuminait ce bourg banal,
Que moi, le vomi des abîmes,
L’ami perfide et venimeux,
Par le plus monstrueux des crimes
J’allais rendre à jamais fameux !
Nous étions rendus ; le champ morne
À deux pas de nous sommeillait ;
Leur vie atteignait donc sa borne !
Et pourtant, j’étais inquiet.
Refuseraient-ils de me suivre,
Avertis par de noirs frissons ?
Le cocher, bien qu’aux trois quarts ivre,
Aurait-il enfin des soupçons ?
Mais non : j’avais l’air doux, en somme.
Et sans terreur, sans cauchemar,
Grillant d’embrasser son cher homme,
La mère descendit du char,
Prit par la main, d’un geste tendre,
Sa fillette et son plus petit,
Dit aux autres de nous attendre,
Les embrassa ; puis, l'on partit.
Elle allait portant sa fillette,
Ses petits bras autour du cou ;
Elle n’était pas inquiète :
Lorsque je bondis tout à coup !
Mon attaque fut si soudaine,
Qu’elle ne vit pas l’assassin :
Je lui piétinai la bedaine
Et je lui tailladai le sein ;
Puis, me ruant sur chaque mioche,
Près de leur mère qui râlait,
Je les couchai d’un coup de pioche :
Plus que trois ! Comme ça filait !
Ils m’attendaient dans la voiture.
« Venez, leur dis-je, me voici ;
Votre mère est à la torture
En vous sachant tout seuls ici. »
Alors, minute solennelle,
Admirablement papelard,
D’une main presque maternelle,
Je mis à chacun un foulard.
À peine le cocher stupide
Était-il parti, qu’aussitôt,
Vertigineusement rapide,
Je les assaillis sans couteau.
Scheme | ABAB CDAD EBAB AFAF BDBD BFBX DBDB BABA FDFD BFBF GBGB BDBD BBBB BXBF DDDD BBBB BBBB BDBD BCBC AGAG BBBB FDXD ABAB HAHX ADAD DIDI FFFX JAJD ABEB GDGD DDDD |
---|---|
Poetic Form | Quatrain (97%) |
Metre | 111111 1111111 111101 1111111 111111 111111 11111 1111111 11111100 1111111 11110111 111111 1111111 1111110 1111111 011110 111111 11111 1111111 1111 1110111 11011 11111 111111111 0111111 111111 11111 111111 1111111 111111 1111111 1110111 11111 111111 111111 1111111 11111 111100 11111 11111 11111111 11111 1111111 111111 111111 11111 1111 1111 11111 11111 1111111 01111 1111111 111101 11111 1111 1111 1111 11111 1111 111111 11111 1111111 11111111 11111111 1111 101111 1111 111111 1101111 111111 11111 1111 1111 1111 111011 1111111 1111 11111 11101 1101111 1111 101111 1111 111011 11111 111111 11111 11111 11111 0111111 111111 1111111 11111 11111 111111 1111111 1111110 111111 111111 11111 111111 111111 11111 11111 11111 1101111 1110101 111111 111111111 1111111 111101 11111 111111 11101110 111111 1101 11 1111 11111 1011 111011 11 11111 |
Closest metre | Iambic pentameter |
Characters | 4,204 |
Words | 685 |
Sentences | 47 |
Stanzas | 31 |
Stanza Lengths | 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4 |
Lines Amount | 124 |
Letters per line (avg) | 25 |
Words per line (avg) | 6 |
Letters per stanza (avg) | 98 |
Words per stanza (avg) | 23 |
Font size:
Submitted on May 13, 2011
Modified on March 05, 2023
- 3:26 min read
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Style:MLAChicagoAPA
"Le Soliloque de Troppman" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 29 Apr. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/27793/le-soliloque-de-troppman>.
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