Analysis of Le Pacage

Maurice Rollinat 1846 (Châteauroux) – 1903 (Ivry-sur-Seine)



Couleuvre gigantesque il s’allonge et se tord,
Tatoué de marais, hérissé de viornes,
Entre deux grands taillis mystérieux et mornes
Qui semblent revêtus d’un feuillage de mort.

L’eau de source entretient dans ce pré sans rigole
Une herbe où les crapauds sont emparadisés.
Vert précipice, il a des abords malaisés
Tels, que l’on y descend moins qu’on n’y dégringole.

Ses buissons où rôde un éternel chuchoteur
Semblent faits pour les yeux des noirs visionnaires ;
Chaque marais croupit sous des joncs centenaires
Presque surnaturels à force de hauteur.

A gauche, tout en haut des rocs du voisinage,
Sous un ciel toujours bas et presque jamais bleu,
Au fond de l’horizon si voilé quand il pleut,
Gisent les vieux débris d’un château moyen âge.

Le donjon sépulcral est seul resté debout,
Et, comme enveloppé d’un réseau de bruines,
Sort fantastiquement de l’amas des ruines
Que hantent le corbeau, l’orfraie et le hibou.

A droite, çà et là, sur des rocs, sur des buttes,
Qui surplombent aussi le bois inquiétant,
Au diable, par delà les landes et l’étang,
S’éparpille un hameau de quinze ou vingt cahutes.

Et ce hameau hideux sur la cote isolé,
Les ténébreux taillis, la tour noire et farouche,
A toute heure et surtout quand le soleil se couche,
Font à ce pré sinistre un cadre désolé.

Aussi l’œil du poète halluciné sans trêve
En boit avidement l’austère étrangeté.
Pour ce pâle voyant ce pacage est brouté
Par un bétail magique et tout chargé de rêve.

Je ne sais quelle horreur se dégage pour eux
De l’herbe où çà et là leurs pelages font taches,
Mais tous, bœufs et taureaux, les juments et les vaches,
Ont un air effaré sous les saules affreux.

Tout enfant je rôdais sous la bise et l’averse
Aux jours de canicule et par les plus grands froids,
Et ce n’était jamais sans de vagues effrois
Que je m’engageais dans un chemin de traverse.

Loin de la cour de ferme où gambadaient les veaux.
Loin du petit hangar où séchaient des bourrées,
J’arpentais à grands pas les terres labourées,
Les vignes et les bois, seul, par monts et par vaux.

En automne surtout, à l’heure déjà froide,
Où l’horizon décroît sous le ciel assombri,
Alors qu’en voletant l’oiseau cherche un abri,
Et que les bœufs s’en vont l’œil fixe et le coup roide ;

J’aimais à me trouver dans ce grand pré, tout seul,
Fauve et mystérieux comme un loup dans son antre,
Et je marchais, ayant de l’herbe jusqu’au ventre,
Cependant que la nuit déroulait son linceul.

Alors au fatidique hou-hou-hou des chouettes,
Aux coax révélant d’invisibles marais,
La croissante pénombre où je m’aventurais
Fourmillait vaguement d’horribles silhouettes.

Puis aux lointains sanglots d’un sinistre aboyeur
Les taureaux se ruaient comme un troupeau de buffles,
Et parfois je frôlais des fanons, et des mufles
Dont le souffle brûlant me glaçait de frayeur.

Et le morne donjon s’en allait en ténèbres,
La haie obscurcissait encor son fouillis,
Et sur les coteaux noirs la cime des taillis
Craquait sous la rafale avec des bruits funèbres !


Scheme ABBA CBBC DBBD ECAE ABBX BAXB CFFC GAAG BBBB BBBB BBBB ADDA CDDC BBBB DBBD BBBB
Poetic Form Quatrain  (81%)
Metre 1111111 1111111 101111111 11111111 111111111 11111111 111101111 11110111111 11111111 11111111 1111111 11111 011111111 111111111 111111111 1111111111 011101111 11111111 1111011 11011101 0111111111 1110111 111111111 111111111 11111111 1111111111 01111100111 111111011 1111111111 111111 1110111011 11111111111 1111111111 111111111 11111111111 11111111 1111111111 1111111111 111111111 111111110 1111111111 111010111111 1111111 11111111111 1111111 111111011 11110111 11111111111011 111111111 1111111111 111111110 11111111 11111111 1111111 1111111 11101 1111111 111111111 1111111111 10011111111 1011111111 111111 111111111 1110111111
Closest metre Iambic heptameter
Characters 3,079
Words 508
Sentences 19
Stanzas 16
Stanza Lengths 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4, 4
Lines Amount 64
Letters per line (avg) 36
Words per line (avg) 8
Letters per stanza (avg) 143
Words per stanza (avg) 32
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 05, 2023

2:32 min read
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Maurice Rollinat

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    Style:MLAChicagoAPA

    "Le Pacage" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 27 Apr. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/27756/le-pacage>.

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