Analysis of La Ruine

Maurice Rollinat 1846 (Châteauroux) – 1903 (Ivry-sur-Seine)



C’était vers le déclin d’un jour de canicule,
Juste dans le premier instant du crépuscule
Que la brise engourdie attend pour s’échapper,
L’oiseau pour se tapir, le crapaud pour ramper,
Où la fleur se referme ainsi qu’une paupière,
Et qui fait frémir l’arbre et chantonner la pierre.
Seul, à pas saccadés, distraits et maladroits,
Je traversais le plus farouche des endroits,
Par des escarpements ignorés des touristes.
Oh ! c’était bien ce qu’il fallait à mes yeux tristes.
Rochers, brandes, forêts, taillis, chaumes ardus
Aux petits arbres tors, rabougris et tondus,
Toute cette nature ivre de songerie
Suait la somnolence et la sauvagerie.
Aussi comme j’ai bu l’ombre, et soliloqué
Sur cet amas rocheux, confus et disloqué,
Près des ravins béants comme des puits d’extase,
Et dans ces terrains plats où des remous de vase,
Sous des nuages bas d’un vert de vitriol,
Se révélaient au loin par la danse du sol
Et par un grouillement de joncs trapus et roides.
Une petite pluie aux gouttelettes froides
Imbibait lentement ces landes et ces trous,
Et tout là-bas, au fond des lointains gris et roux,
Le soleil embrumé s’effondrait sur la cime
Des forêts surplombant la rivière, — un abîme
Torrentueux et sourd qui se précipitait
Contre les hauts granits où sa vapeur montait.
Tout seul dans ce désert aride et pittoresque
Dont les buissons semblaient détachés d’une fresque,
J’errais, m’aventurant sur les côtes à pic,
Escaladant les rocs, glissant comme un aspic
À travers les chiendents humectés par la brume,
Et chavirant parmi les cailloux pleins d’écume.
Des haleines de près et de grands végétaux
Sur les ailes du vent m’arrivaient des plateaux,
Et dans les airs froidis et de plus en plus pâles,
Les oiseaux tournoyeurs croassaient de longs râles
Encore inentendus par moi, l’être écouteur
Dont la campagne a fait son interlocuteur ;
Par moi qui peux saisir tous les cris de l’espace
Et distinguer le bruit d’une fourmi qui passe.
Partout la solitude immense où les rocs noirs
Se dressaient côte à côte en forme d’éteignoirs
Et dégageaient de leur immobilité même
Un fatidisme intense et d’une horreur suprême.
Et tout cela souffrait tellement comme moi,
Que j’y pouvais mirer mon douloureux émoi
Et tous les soubresauts de ma triste pensée :
Bien avant que la nuit même fût commencée,
J’attendais que le val, ou l’onde, ou le ravin,
Avec le son de voix d’un spectre et d’un devin
Continuât mon fauve et navrant soliloque.
Tandis que le brouillard pendait comme une loque
Sur le gave écumant qui hurlait à mes pieds,
Un manoir me montrait ses blocs estropiés,
Et, mêlant sa ruine à ma désespérance,
Importunait ma vue à force d’attirance.
Un certain pan de mur surtout : grand dévasté
De la mélancolie et de la vétusté,
Masse attendant le terme imminent de sa chute,
À jour comme un squelette et dont la morgue brute
Lui donnait un air grave et d’au-delà des temps
Qui semblait défier la foudre et les autans.
L’écho devenait-il double, et par impossible
Le silence avait-il une formule audible
Dans ce désert troué, tortueux et bossu ?
Assurément alors mon oreille a perçu
Des murmures éteints, asphyxiés et ternes,
Semblant venir du fond d’invisibles citernes :
Quelque chose de vague et de plus consterné
Que le vagissement d’un enfant nouveau-né,
Comme le rire affreux d’un monstre inconcevable
Qui geindrait très au loin dans un antre introuvable.
Or, tous ces bruits étaient si soufflés, si furtifs,
Si mélodiquement mineurs et si plaintifs,
Qu’au milieu des genêts venant à mes épaules
J’ai pleuré dans le vent comme les maigres saules,
Et, le cœur gros d’effrois sacrés et solennels,
Remercié les rocs d’être aussi fraternels
Envers le malheureux fiancé de la tombe
Qui les considérait à l’heure où la nuit tombe.
Et je me dis : « Je suis le Pèlerin hanté
« Par la nature : à moi sa pleine intimité
« Qui m’interroge ou bien qui m’écoute à toute heure,
« Et qui sait le secret des larmes que je pleure !
« Je l’aime et je la crains, car je sens en tous lieux
« S’ouvrir et se fermer ses invisibles yeux
« Mobiles et voyants comme les yeux d’un être,
« Et dont l’ubiquité m’enlace et me pénètre ;
« Car je sais que son âme a l’intuition
« De mon âme où se tord la désolation,
« Et que, pour être éparse et jamais épuisée,
« Elle n’en est pas moins la sœur de ma pensée :
« En voyant l’aspect dur et terrible qu’ils ont
« J’en arrive à songer que les rochers ne sont
« Qu’un figement nombreux de sa révolte ancienne ;
« Mon vertige est le sien, ma douleur est la sienne ;
« Elle subit avec un morne e


Scheme AABBBBCCCCCCBBDDCCAACCCCEEFFDDDDEECCCCBBCCCCEEEEGGHHDDCCCCFFFFCCAACICCHJAACCCCCCEEFFBBCCBBHHGGFFHHG
Poetic Form
Metre 1110111111 1100110111 111101111 101110111 111111111 11111111101 1111111 1101111 1111111 1111111111 11111111 1111111 1110111 11100111 1111111 1111111 1111111111 11101111111 1111111100 11111111111 111111111 1011111 1111111 11111111111 00111111 11111111111 1111111 11111111 111111111 111111111 1111111 1111111 101111111 11111111 11111111111 11111111 111111111111 11111111 1111111 1110111 1111111111 11011111 1110011111 1111111111 11111111 110111111 11101111 1111111 111111111 101111111111 1101111010 101111101110 1111111 110011111 10111111 11111111 111111111 11111 1101111111 111111111 101001100111 111111111 10111111111 111111111 111110110100 0101111100 11111111 11111011 1111111 111111 11111111 1011111 1011111 1111111111 1111111111 1111111 1011111111 111011111 1011111111 010111111 1011111 111111111 1111110111 11101111 111111111 11101011111 111111111111 111111001 101111111 111111111 11111101 111111111 111111111 1101111111111 1111110011 1011011111 11111111 110101110111 111111
Closest metre Iambic heptameter
Characters 4,655
Words 782
Sentences 18
Stanzas 1
Stanza Lengths 99
Lines Amount 99
Letters per line (avg) 35
Words per line (avg) 8
Letters per stanza (avg) 3,431
Words per stanza (avg) 795
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 05, 2023

3:54 min read
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Maurice Rollinat

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    "La Ruine" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 2 May 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/27652/la-ruine>.

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