Analysis of Le meunier

Emile Verhaeren 1855 (Sint-Amands) – 1916 (Rouen)



Le vieux meunier du moulin noir,
On l'enterra, l'hiver, un soir
De froid rugueux, de bise aiguë
En un terrain de cendre et de ciguës.

Le jour dardait sa clarté fausse
Sur la bêche du fossoyeur ;
Un chien errait près de la fosse,
L'aboi tendu vers la lueur.
La bêche, à chacune des pelletées,
Telle un miroir se déplaçait,
Luisait, mordait et s'enfonçait,
Sous les terres violentées.

La fin du jour s'emplit d'ombres suspectes.

Sur fond de ciel, le fossoyeur,
Comme un énorme insecte,
Semblait lutter avec la peur ;
La bêche entre ses mains tremblait,
Le sol se crevassait
Et quoi qu'il fit, rien ne comblait
Le trou qui, devant lui,
Comme la nuit, s'élargissait.

Au village là-bas,
Personne au mort n'avait prêté deux draps.

Au village là-bas,
Nul n'avait dit une prière.

Au village là-bas,
Personne au mort n'avait sonné le glas.

Au village là-bas,
Aucun n'avait voulu clouer la bière.

Et les maisons et les chaumières
Qui regardaient le cimetière,
Pour ne point voir, étaient là toutes,
Volets fermés, le long des routes.

Le fossoyeur se sentit seul
Devant ce défunt sans linceul
Dont tous avaient gardé la haine
Et la crainte, dans les veines.

Sur sa butte morne de soir,
Le vieux meunier du moulin noir,
Jadis, avait vécu d'accord
Avec l'espace et l'étendue
Et les tempêtes suspendues
Aux gestes fous des vents du Nord ;
Son coeur avait longuement écouté
Ce que les bouches d'ombre et d'or
Des étoiles dévoilent
Aux attentifs d'éternité ;
Les cirques gris des bruyères austères
L'avaient cerné de leur mystère
A l'heure où l'énigme s'éveille
Et parle à l'âme et la conseille.

Les grands courants qui traversent tout ce qui vit
Etaient, avec leur force, entrés dans son esprit,
Si bien que par son âme isolée et profonde
Ce simple avait senti passer et fermenter le monde.

Les plus anciens ne savaient pas
Depuis quels jours, loin du village,
Il perdurait, là-bas,
Guettant l'envol et les voyages
Des feux dans les nuages.

Il effrayait par le silence
Dont il avait, sans bruit,
Tissé son existence ;
Il effrayait encor
Par les yeux d'or
De son moulin tout à coup clairs, la nuit.

Et personne n'aurait connu
Son agonie et puis sa mort,
N'était que les quatre ailes
Qu'il agitait vers l'inconnu,
Comme des suppliques éternelles,
Ne s'étaient, un matin,
Définitivement fixées,
Noires et immobilisées,
Telle une croix sur un destin.

Le fossoyeur voyait l'ombre et ses houles
Grandir comme des foules
Et le village et ses closes fenêtres
Se fondre au loin et disparaître.

L'universelle inquiétude
Peuplait de cris la solitude ;
En voiles noirs et bruns,
Le vent passait comme quelqu'un ;
Tout le vague des horizons mobiles
Devenait remuement et frôlement hostile
Jusqu'au moment où, les yeux fous,
Jetant sa bêche n'importe où,
Avec les bras multiples de la nuit
En menaces, derrière lui,
Jusqu'au fleuve, il s'enfuit.

Le silence se fit, total, par l'étendue,
Le trou parut géant dans la terre tendue
Et rien ne bougea plus ;
Et seules les plaines inassouvies
Absorbèrent alors
En leur immensité,
Ce mort
Dont leur mystère avait illimité
Et exalté jusque dans l'infini, la vie.


Scheme Aaxb baxabccb b acacccdc Bb Be Bx Be febx ddgb aAccbcchccfedd cccc xxbxb icihhc gcxgbgbbg bbbe ccxgxxbxcdc ccxbbcccx
Poetic Form
Metre 011001011 11010111 111111 1101111111 011111 111111 11111111 11111 11111101 1111111 11111 1111001 1111111 111101 1111 110111 11110111 0111 11111111 011110 11111 11011 11111111 11011 111111 11011 1111101 11011 1111111 1111111 11011 1111111 1110111 01111 111111 111111 111111 111111 011001011 1111101 11111 11111 1111111 11111 1111111 1111 1111 11111111 111111 0111111 1111111 111111111 1111111101 1111111111 11011101101 111111 1111110 1111 1111100 11111 111010 11111 11010 111 1111 110111111 1111 111111 111111 11111 1111 11111 1111 1111 1111110 0111111 1111 1010111011 1111111 111 111110 11111 01111 101101010 1111110 1101111 111111 111100111 11001110 1111 0101110111 0111111101 11111 11111 0111 111 11 111111 10111111
Closest metre Iambic pentameter
Characters 3,148
Words 521
Sentences 20
Stanzas 18
Stanza Lengths 4, 8, 1, 8, 2, 2, 2, 2, 4, 4, 14, 4, 5, 6, 9, 4, 11, 9
Lines Amount 99
Letters per line (avg) 24
Words per line (avg) 5
Letters per stanza (avg) 130
Words per stanza (avg) 29
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 05, 2023

2:48 min read
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Emile Verhaeren

Emile Verhaeren was a Belgian poet who wrote in the French language, and one of the chief founders of the school of Symbolism. more…

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    Style:MLAChicagoAPA

    "Le meunier" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 28 Apr. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/11240/le-meunier>.

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