Analysis of Celui de la fatigue
Emile Verhaeren 1855 (Sint-Amands) – 1916 (Rouen)
Ce soir, l'homme de la fatigue
A regarder s'illimiter la mer,
Sous le règne du vent despote et des éclairs,
Les bras tombants, là-bas, s'est assis sur ma digue.
Le vêtement des plus beaux rêves,
L'orgueil des humaines sciences brèves,
L'ardeur, sans plus aucun sursaut de sève,
Tombaient, en loques, sur son corps :
Cet homme était vêtu de siècles morts.
Il n'était plus la vie,
Il n'était point encor la mort ;
Il était la fatigue inassouvie.
Il avait vu brûler d'étranges pierres,
Jadis, dans les brasiers de la pensée :
Les feux avaient léché les cils de ses paupières
Et son ardeur s'était cassée
Sur l'escalier tournant de l'infini.
Sa tête avait nourri toutes les gloses.
Il traînait après lui une aile grandiose
- Ridicule - dont les pennes tombaient ;
Des nuages vitreux le surplombaient,
Mais néanmoins une chimère dernière
Allumait d'or son casque et sa bannière.
Lassé du bien, lassé du mal, lassé de tout
Il maintenait debout
Encore, un dernier voeu, sous l'assaut des contraires :
Ayant tant vu sombrer de choses nécessaires,
Qui se heurtaient pour leur rapide vérité,
Lui, qui se souvenait d'être et d'avoir été,
Qui ne pouvait mourir et qui ne pouvait vivre,
Osait aimer pourtant sa lassitude à suivre,
Entre les oui battus de non, son chemin, seul.
De tout penseur ardent, il se sentait l'aïeul.
Le sol du monde était pourri de tant d'époques
Et le soleil était si vieux !
Et tant de poings futilement victorieux
N'avaient volé au ciel que des foudres baroques.
Et c'est décidément : ' Misère ! ' à toute éternité
Qu'à travers sa planète et vers ses astres
La tête pâle et sanglante de ses désastres,
Pendant mille et mille ans criera l'humanité.
Certes, mais se blottir en la rare sagesse,
D'où rien ne transparaît que le savoir
Et la culture et la discipline de sa faiblesse ;
Entr'accorder la haine et le désir ; vouloir,
A chaque heure, violenter sa maladie ;
L'aimer et la maudire et la sentir
Chaude comme un foyer mal éteint d'incendie,
Se déployer sa peine et s'en vêtir ;
Avoir, de ses malheurs mêmes, l'orgueil ;
Aimer enfin celui qui, dans les villes, passe
Et qui s'assied, en souriant devant le seuil
Du temple, où vont prier les hommes de sa race.
Et puis le proclamer, mais n'ériger l'espoir
Que pour, sournoisement, l'abattre avec sa haine ;
Contrarier l'aurore avec le soir ;
Torturer le présent avec l'heure prochaine ;
Trouver de la douceur en son angoisse, lasse
De n'avoir plus la peur de la menace ;
N'éclairer pas d'un trop grand feu
L'énigme à deviner par delà les nuages,
Qui fit songer les sages
Qu'un Dieu connu n'est plus un Dieu.
Ce soir, l'homme de la fatigue,
Tout lentement, a soulevé,
Comme un trésor désencavé,
Aux bords du fleuve, où mon âme navigue,
La science de la fatigue.
Scheme | Abca ccdcc xed cdcdfcceegg xeccedbbh hccccecce cbcbeb ebhchc bfxfccdcce Addaa |
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Poetic Form | |
Metre | 11111101 01111 1011111111 111111011111 01111111 11110011 11111111 111111 111111111 111111 1111111 111011 11111111 11111111 11111111111 1111111 11111 11111111 11111101101 101111 11101 11111111 11111111 111111111 111 11111111 11111111 11111111 1011111111 111111111 111111 1011111111 11110111101 0111111111 1001111 111111 11111111 111111111 1101111111 11110111111 10111111 11111111 111111101 111011100111 11110111 011111 1111111 11110111 1111111111 1111111 11111111 11111101 110111011111 11011111 1111111 11101 100011111 11111111 111111110 11111111 1111111 1110110 1111101111 11111101 1101 111111 11111111 1101101 |
Closest metre | Iambic hexameter |
Characters | 2,785 |
Words | 467 |
Sentences | 16 |
Stanzas | 10 |
Stanza Lengths | 4, 5, 3, 11, 9, 9, 6, 6, 10, 5 |
Lines Amount | 68 |
Letters per line (avg) | 30 |
Words per line (avg) | 7 |
Letters per stanza (avg) | 204 |
Words per stanza (avg) | 48 |
Font size:
Submitted on May 13, 2011
Modified on March 05, 2023
- 2:31 min read
- 122 Views
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Style:MLAChicagoAPA
"Celui de la fatigue" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 28 Apr. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/11121/celui-de-la-fatigue>.
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