Chanson des oiseaux
Victor Marie Hugo 1802 (Besançon) – 1885 (Paris)
Vie ! ô bonheur ! bois profonds,
Nous vivons.
L'essor sans fin nous réclame ;
Planons sur l'air et les eaux !
Les oiseaux
Sont de la poussière d'âme.
Accourez, planez ! volons
Aux vallons,
A l'antre, à l'ombre, à l'asile !
Perdons-nous dans cette mer
De l'éther
Où la nuée est une île !
Du fond des rocs et des joncs,
Des donjons,
Des monts que le jour embrase,
Volons, et, frémissants, fous,
Plongeons-nous
Dans l'inexprimable extase !
Oiseaux, volez aux clochers,
Aux rochers,
Au précipice, à la cime,
Aux glaciers, aux lacs, aux prés ;
Savourez
La liberté de l'abîme!
Vie ! azur ! rayons ! frissons !
Traversons
La vaste gaîté sereine,
Pendant que sur les vivants,
Dans les vents,
L'ombre des nuages traîne !
Avril ouvre à deux battants
Le printemps ;
L'été le suit, et déploie
Sur la terre un beau tapis
Fait d'épis,
D'herbe, de fleurs, et de joie.
Buvons, mangeons ; becquetons
Les festons
De la ronce et de la vigne ;
Le banquet dans la forêt
Est tout prêt ;
Chaque branche nous fait signe.
Les pivoines sont en feu ;
Le ciel bleu
Allume cent fleurs écloses ;
Le printemps est pour nos yeux
Tout joyeux
Une fournaise de roses.
Tu nous dores aussi tous,
Feu si doux
Qui du haut des cieux ruisselles ;
Les aigles sont dans les airs
Des éclairs,
Les moineaux des étincelles.
Nous rentrons dans les rayons ;
Nous fuyons
Dans la clarté notre mère ;
L'oiseau sort de la forêt
Et paraît
S'évanouir en lumière.
Parfois on rampe accablé
Dans le blé ;
Mais juillet a pour ressource
L'ombre, où, loin des chauds sillons,
Nous mouillons
Nos pieds roses dans la source.
Depuis qu'ils sont sous les cieux,
Soucieux
Du bonheur de la prairie,
L'herbe et l'arbre chevelu
Ont voulu
Dans leur tendre rêverie
Qu'à jamais le fruit, le grain,
L'air serein,
L'amourette, la nichée,
L'aube, la chanson, l'appât,
Occupât
Notre joie effarouchée.
Vivons ! chantons ! Tout est pur
Dans l'azur ;
Tout est beau dans la lumière !
Tout vers son but, jour et nuit,
Est conduit ;
Sans se tromper, le fleuve erre.
Toute la campagne rit ;
Un esprit
Palpite sous chaque feuille.
- Aimons ! murmure une voix
Dans les bois ;
Et la fleur veut qu'on la cueille.
Quand l'iris a diapré
Tout le pré,
Quand le jour plus tiède augmente,
Quand le soir luit dans l'étang
Éclatant,
Quand la verdure est charmante,
Que dit l'essaim ébloui ?
Oui ! oui ! oui !
Les collines, les fontaines,
Les bourgeons verts, les fruits mûrs,
Les azurs
Pleins de visions lointaines,
Le champ, le lac, le marais,
L'antre frais,
Composent, sans pleurs ni peine,
Et font monter vers le ciel
Éternel
L'affirmation sereine !
L'aube et l'éblouissement
Vont semant
Partout des perles de flamme ;
L'oiseau n'est pas orphelin ;
Tout est plein
De la mystérieuse âme !
Quelqu'un que l'on ne voit pas
Est là-bas
Dans la maison qu'on ignore ;
Et cet inconnu bénit
Notre nid,
Et sa fenêtre est l'aurore.
Et c'est à cause de lui
Que l'appui
Jamais ne manque à nos ailes,
Et que les colombes vont
Sur le mont
Boire où boivent les gazelles.
Grâce à ce doux inconnu,
Adam nu
Nous souriait sous les branches ;
Le cygne sous le bouleau
A de l'eau
Pour laver ses plumes blanches.
Grâce à lui, le piquebois
Vit sans lois,
Chéri des pins vénérables,
Et délivrant des fourmis
Ses amis
Les cèdres et les érables.
Grâce à lui, le passereau
Du sureau
S'envole, et monte au grand orme ;
C'est lui qui fait le buisson
De façon
Qu'on y chante et qu'on y dorme.
Il nous met tous à l'abri,
Colibri,
Chardonneret, hochequeue,
Tout l'essaim que l'air ravit
Et qui vit
Dans la grande lueur bleue.
A cause de lui, les airs
Et les mers,
Les bois d'aulnes et d'yeuses,
La sauge en fleur, le matin,
Et le thym,
Sont des fêtes radieuses ;
Les blés sont dorés, les cieux
Spacieux,
L'eau joyeuse et l'herbe douce ;
Mais il se fâche souvent
Quand le vent
Nous vole nos brins de mousse.
Il dit au vent : - Paix, autan !
Et va-t'en !
Laisse mes oiseaux tranquilles.
Arrache, si tu le veux,
Leurs cheveux
De fumée aux sombres villes !
Celui sous qui nous planons
Sait nos noms.Font size:Submitted on May 13, 2011
Modified on March 05, 2023
- 3:41 min read
- 103 Views
Quick analysis:
Scheme AABAAB AACDDC AAAAAA AABAAB AAEAAE AACAAX AAEFFE XCAAAA AAAAAA AAGFFG CCAAAA AAFCCD EEFFFF XDGFHD FFCAAC DDFIFF CFAAAA AAECCE FFBEEB AAXHFD CXAFXA EEACCA AAAAAA DDBEEB DDIFFC AAAEBA AAAFXA EEAAAA AF Closest metre Iambic trimeter Characters 3,899 Words 684 Stanzas 29 Stanza Lengths 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 2
Translation
Find a translation for this poem in other languages:
Select another language:
- - Select -
- 简体中文 (Chinese - Simplified)
- 繁體中文 (Chinese - Traditional)
- Español (Spanish)
- Esperanto (Esperanto)
- 日本語 (Japanese)
- Português (Portuguese)
- Deutsch (German)
- العربية (Arabic)
- Français (French)
- Русский (Russian)
- ಕನ್ನಡ (Kannada)
- 한국어 (Korean)
- עברית (Hebrew)
- Gaeilge (Irish)
- Українська (Ukrainian)
- اردو (Urdu)
- Magyar (Hungarian)
- मानक हिन्दी (Hindi)
- Indonesia (Indonesian)
- Italiano (Italian)
- தமிழ் (Tamil)
- Türkçe (Turkish)
- తెలుగు (Telugu)
- ภาษาไทย (Thai)
- Tiếng Việt (Vietnamese)
- Čeština (Czech)
- Polski (Polish)
- Bahasa Indonesia (Indonesian)
- Românește (Romanian)
- Nederlands (Dutch)
- Ελληνικά (Greek)
- Latinum (Latin)
- Svenska (Swedish)
- Dansk (Danish)
- Suomi (Finnish)
- فارسی (Persian)
- ייִדיש (Yiddish)
- հայերեն (Armenian)
- Norsk (Norwegian)
- English (English)
Citation
Use the citation below to add this poem to your bibliography:
Style:MLAChicagoAPA
"Chanson des oiseaux" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 21 May 2024. <https://www.poetry.com/poem/37663/chanson-des-oiseaux>.
Become a member!
Join our community of poets and poetry lovers to share your work and offer feedback and encouragement to writers all over the world!
The Web's Largest Resource for
Poets, Poems & Poetry
A Member Of The STANDS4 Network
May 2024
Poetry Contest
Join our monthly contest for an opportunity to win cash prizes and attain global acclaim for your talent.
10
days
11
hours
33
minutes
Special Program
Earn Rewards!
Unlock exciting rewards such as a free mug and free contest pass by commenting on fellow members' poems today!
Quiz
Are you a poetry master?
»Who is considered to be the greatest poet of Russia’s golden age?
A
Alexander Pushkin
B
Charles Baudelaire
C
Leo Tolstoy
D
Vladimir Mayakovsky
Discuss the poem Chanson des oiseaux with the community...
Report Comment
We're doing our best to make sure our content is useful, accurate and safe.
If by any chance you spot an inappropriate comment while navigating through our website please use this form to let us know, and we'll take care of it shortly.
Attachment
You need to be logged in to favorite.
Log In