Analysis of Le Vieux Chaland

Maurice Rollinat 1846 (Châteauroux) – 1903 (Ivry-sur-Seine)



Voyez ! j’vis seul dans c’grand moulin
        Dont plus jamais l’tic tac résonne ;
        J’m’en occup’ plus, n’ayant personne...
        Mais c’est l’sort : jamais je n’m’ai plaint.
        C’t’existenc’ déserte et si r’cluse
        Ent’ la montagne et la forêt
        Plaît à mon goût q’aim’ le secret,
        Puis, j’ai mon copain sur l’écluse !

Le v’là ! c’est l’grand chaland d’famille.
        À présent, ses flancs et sa quille
        Sont usés ; l’malheureux bateau,
        Malgré que j’le soigne, i’ prend d’l’eau,
        Tout ainsi q’moi j’prends d’la faiblesse.
        Ah dam’ ! c’est q’d’âg’ nous nous suivons,
        Et q’sans r’mèd’ tous deux nous avons
        L’mêm’ vilain mal q’est la vieillesse.

Des vrais madriers q’ses traverses !
        Et qui n’sont pas prêts d’êt’ rompus.
        C’est bâti comme on n’bâtit plus !
        Trop bien assis pour que ça verse.
        En a-t-i’ employé du chêne
        Aussi droit q’long, et pas du m’nu !
        C’bateau plat q’j’ai toujou’ connu
        Avec sa même énorm’ grand’ chaîne !

Pour nous, maint’nant, le r’pos et l’songe
        C’est plus guèr’ que du croupiss’ment.
        À séjourner là, fixement,
        Lui, l’eau, moi, l’ennui, — ça nous ronge.
        Mais, n’ya plus d’force absolument.
        Faut s’ménager pour qu’on s’prolonge !
        Si j’disais non ! ça s’rait mensonge.
        J’somm’ trop vieux pour le navig’ment.

Sûr que non ! c’est pas comme aut’fois,
        Du temps q’yavait tant d’truit’ et d’perches,
        « Au bateau ! » m’criaient tout’ les voix...
        Les pêcheurs étaient à ma r’cherche ;
        À tous les instants mes gros doigts
        Se r’courbaient, noués sur ma perche.

Malheur ! quel bon chaland c’était !
        Vous parlez que c’lui-là flottait
        Sans jamais broncher sous la charge !
        Toujours ferme à tous les assauts
        Des plus grands vents, des plus grand’s eaux,
        I’ filait en long comme en large.

Et la nuit, sous la lun’ qui glisse,
        Quand, prom’nant mes yeux d’loup-cervier,
        J’pêchais tout seul à l’épervier,
        Oh ! qu’il était donc bon complice !
        Comme i’ manœuvrait son coul’ment,
        En douceur d’huil’, silencieus’ment,
        Aussi mort que l’onde était lisse !

I’ savait mes façons, c’que c’est !
        On aurait dit qu’i’ m’connaissait.
        Qu’il avait une âm’ dans sa masse.
        À mes souhaits, tout son gros bois
        Voguait comm’ s’il avait pas d’poids,
        Ou ben rampait comme un’ limace.

Oui ! dans c’temps-là, j’étions solides.
        Il avait pas d’mouss’ — moi, pas d’rides.
        J’aimions les aventur’ chacun ;
        Et tous deux pour le goût d’la nage
        Nous étions d’si près voisinage
        Q’toujours ensemble on n’faisait qu’un.

Sur l’écluse i’ s’en allait crâne,
        J’crois qu’on aurait pu, l’bon Dieu m’damne !
        Y fair’ porter toute un’ maison.
        En a-t-i’ passé des foisons
        D’bœufs, d’chevaux, d’cochons, d’ouaill’ et d’ânes !

I’ charriait pomm’ de terr’, bett’raves,
        D’quoi vous en remplir toute un’ cave,
        Du blé, du vin, ben d’autr’ encor,
        Des madriers, des pierr’, des cosses,
        Et puis des baptêm’ et des noces,
        Sans compter qu’i’ passait des morts.

Oh ! C’est ben pour ça qu’en moi-même
        Autant je l’respecte et je l’aime
        Mon pauv’ vieux chaland vermoulu ;
        C’est qu’un à un sur la rivière
        Il a passé pour le cim’tière
        Tous mes gens que je n’verrai plus.

J’ai fait promettre à la commune
        À qui j’lég’rai ma petit’ fortune
        Q’jusqu’à temps qu’i’ coule au fond d’l’eau,
        On l’laiss’ra tranquill’ sous c’bouleau,
        Dans sa moisissure et sa rouille.
        J’mourrai content pac’que l’lend’main,
        Pendant un tout p’tit bout d’chemin,
        C’est lui qui port’ra ma dépouille.


Scheme AXABCBBC DDBDCCCC CCCCEAAE FBBFBFFB CCCGCG BBFCCF CHHCBBC BBCCCC CCAFFA EAICC CXHCCC EXDHHC XIDDDAAD
Poetic Form
Metre 1111101 1111111 11111 1111111 111111 11011111 111111010 1111111 011111 1111111 11111 1111111 111111 11111111 11111111 1111111 11111 1111111111 11111111 1111101 101101111 1111111 11111 11111111 1110111 1111111 1111 10111011 11111 1110111 111011 111101 11111111 1111111 111111 111111 111111 1111111 111111 111111 111111 11111 11111111 1111111 11111111 111111 111111 111111 111111 1111 111111 1111111 11111 1111111 111111 111111 111111 1111111 1111111 1111 111101111 111111 1010111 11111111 1111111 11101110 1011111 11111111 111111 1111111 1111111 111111 11111111 111111 111101111 111111 11111 1111111 1011011 1111111 111110 11111010 1111111 11111 111111 11011 1011111 11011111
Closest metre Iambic pentameter
Characters 4,344
Words 537
Sentences 50
Stanzas 13
Stanza Lengths 8, 8, 8, 8, 6, 6, 7, 6, 6, 5, 6, 6, 8
Lines Amount 88
Letters per line (avg) 26
Words per line (avg) 6
Letters per stanza (avg) 179
Words per stanza (avg) 43
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 05, 2023

2:41 min read
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Maurice Rollinat

Maurice Rollinat was a French poet. more…

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    "Le Vieux Chaland" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 18 May 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/27810/le-vieux-chaland>.

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